LE PAPIER

NUMERO SPECIAL ETE 2003 :

 

ECHOS DE LA JOURNEE “ HOMME DEBOUT ” du 26 avril :

“ FRONTIERES DE L’HOMME, HOMME SANS FRONTIERES ”

Comptes-rendus communiqués par 8 des 16 ateliers

 

 

ATELIER : “ L’ECOLE, ASCENSEUR SOCIAL ”

Animé par François Flahaut, Gwenaëlle Legoulon, André de Peretti

 

Dans la crypte mal éclairée, (ce qui n’est peut-être pas sans rapport avec l’ascenseur), derrière une petite table, trois jécistes animent l’atelier: Gwenaëlle, Catherine et François.  Et il y en a d’autres autour qui feront écrire les participants. Gwenaëlle, béret vissé sur une chevelure moussue, est née dans une cité de banlieue, est passée par Normale Sup et enseigne l’histoire-géo à des élèves qui, semble-t-il, lui ressemblent un peu. Elle veut les convaincre qu’ils ne sont pas dans une voie de garage: “ les voies de garage, ça n’existe pas! ”. Et pour cela, elle y met le paquet, dédouble ses classes, pratique l’aide individualisée : du “ bénévolat ” quoi ! (Le mot est lâché et fait discussion, surtout quand elle affirme que l’Education nationale ne peut pas fonctionner sans bénévolat, alors elle corrige: “ il faut être très motivé ”). François fait Sciences-Po, “ pour changer les choses ”. Ses parents, enseignants dans le bassin minier de Lens, voulaient qu¹il soit ingénieur, mais lui, il a voulu faire Sciences-Po, parce qu’il faut comprendre la cité pour ne pas se laisser prendre au piège, il faut donner aux gens “ des raisons d’espérer contre Viviane Forrester ! ”. Dans un coin de la crypte, André de Peretti, (auquel les jeunes demanderont un mot de conclusion), et un vieux prof, sourient devant tant d’enthousiasme et de générosité. Vous alliez dire “ idéalisme ”, “ utopie ”? Peut-être, mais vous auriez eu tort.

 

Jean Verrier.

 

 

ATELIER : “ MIGRATIONS : DE LA TRAVERSEE AU VIVRE ENSEMBLE ”

Animé par le Réseau Chrétiens Immigrés, Elena Lassida, Jacques Dejean

 

Cet atelier a bénéficié de la participation de deux spécialistes : Lucas Marin, directeur du CIEMI (Centre d’Information et d’Etudes sur les Migrations Internationales), et Michel Wieviorka, chercheur à l’Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales. Dans un premier temps, Lucas Marin a présenté la situation actuelle de l’immigration en France, avec des statistiques sur le nombre d’étrangers et leur répartition par pays d’origine, par occupations et par sexes. Il a souligné une croissance récente des étudiants et des femmes, et une majorité toujours constante des ressortissants Africains. Il a évoqué la situation des demandeurs d’asile, dont seulement une petite minorité acquiert finalement le statut.

 

Dans un deuxième temps, Michel Wieviorka a présenté le modèle français d’intégration et sa déstructuration. Il a parlé du “ mythe ” du modèle français, construit sur trois types successifs d’intégration :

- Intégration sociale : la France a besoin d’étrangers pour travailler.

- Intégration républicaine : si les étrangers restent en France, ils accèdent aux mêmes droits que les Français.

- Intégration culturelle : ils deviennent finalement des Français.

Ce modèle a été déstructuré dans ses trois composantes : l’intégration sociale, par la fin de l’industrialisation classique ; l’intégration républicaine, par la mutation des grandes institutions sociales comme le passage à l’armée de métier ; et l’intégration culturelle, par le repli nationaliste.

 

Le défi d’une société multiculturelle a été l’objet du débat qui a suivi.

 

Elena Lassida

 

 

ATELIER : “ CHRETIENS / MUSULMANS : CITOYENNETE / IDENTITES ”

Animé par le Groupe d’Amitié Islamo Chrétien (CPHB et GAIC),

Geneviève Poitou, Ahmed Backan, Fouad Immaraïne, Noël Bouttier (TC)

(Une quarantaine de participants)

 

Question d’actualité : avec une certaine angoisse, les Français découvrent la communauté musulmane.

 

Ahmed Bakcan présente le mouvement Milligörüs, qui, depuis les années 60, essaie d’ouvrir des centres socio-culturels et religieux, et guide l’intégration des Turcs en France ; (il a obtenu 7 sièges dans l’assemblée générale et dans les conseils régionaux du Conseil de l’Islam de France aux élections des 6 et 13 avril derniers) : “ Nos devoirs aujourd’hui : ce sont ceux de l’Islam, il faut être témoin de Dieu devant les gens, mais ne pas accepter les discriminations. ”

 

Intervention de Fouad Imarraïne, d’origine marocaine : “ Nous en sommes à la quatrième génération issue de l’immigration pour les maghrébins en France. La foi se traduit en pratique religieuse et sociale, suivant les principes de justice et de solidarité. Il y a aussi le devoir de transmettre sa foi. La citoyenneté, c’est comment je vais vivre ma foi avec les autres ; la question de l’intégration est un faux problème. ”

 

Intervention de Geneviève Poitou, chrétienne catholique, qui a participé pendant 10 ans à Saint-Merri à un petit groupe de rencontre entre chrétiens et musulmans, désireux de se connaître et d’échanger sur le contenu de leur foi. Elle essaie de traduire en comportement, en participant à divers mouvements associatifs, les valeurs éthiques de la république : liberté, égalité, fraternité, auxquelles se rajoute justice. Etre citoyen : c’est aussi veiller à ce que le gouvernement mette ces principes en application. Elle essaie, ainsi, de cheminer selon les paroles du Christ : “ Nul ne va au Père que par moi ; comme, Père, tu m’as envoyé, moi aussi je les envoie dans le monde ”.

 

Le débat qui suivit fut riche et varié. Parmi les questions abordées :

-          l’Islam, problème culturel ou religieux ;

-          les signes extérieurs de la foi, comme la question du voile ;

-          la France, terreau privilégié pour l’évolution de l’interface entre les deux communautés. ;

-          les expériences de sécularisation dans les pays musulmans ;

-          la question du communautarisme ;

-          la ghettoïsation des pauvres, terreau des groupuscules extrémistes ;

-          le faible vote des jeunes musulmans, et leur engagement dans les alternatives citoyennes ;

-          les relations entre hommes et femmes ;

-          l’historique et les définitions de l’islamisme…

 

Anne-Marie CELLIER

 

 

ATELIER : “ LA RUE : UN ABIME A TRAVERSER ”

Animé par ATD Quart Monde, Jean-Claude Caillaux, Michèle Dauger

 

Jean-Claude Caillaut, permanent à ATD Quart-Monde, fait part de son expérience dans l’abord des errants de la rue. Amorcer un dialogue demande d’abord un long temps de silence, assis à côté d’un homme à l’aspect souvent repoussant. Alors, Jean-Claude dit son prénom. C’est dans ce temps que peuvent s’estomper les frontières. Pas seulement les frontières visibles, (aspect, habitus, attitudes), mais la frontière bien plus importante, celle intérieure. Il s’agit de prendre conscience de sa propre vulnérabilité, d’effacer, par la réflexion et pourquoi pas la prière, ce qui me sépare de ce frère en humanité ; de soulever l’obstacle de mes richesses, même si elles sont modestes, (culture, relations, amitiés, amour, ressources), pour me retrouver à égalité avec lui, nus, identiques sous le regard du Père. L’échange sera peut-être alors possible. Etre simplement là, à côté de lui, et l’aimer.

 

Jacques JOUVIE

 

 

ATELIER : “ DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE / MICRO-CREDIT : COMMENT LE SUD AIDE AUSSI A FAIRE GRANDIR L’HOMME DU NORD ? ”

Animé par la Commission partage du CPHB, Henri de Reboul, Joséphine de Linde, Daniel Cao, Bao Dang, Etienne de Ponteves

 

La Commission partage soutient depuis de nombreuses années des projets de développement dans les pays du Tiers Monde. Depuis sa création, il s’agit de développer des “ liens de communauté à communauté ”. Nous constatons que beaucoup de ceux qui ont participé à ces échanges ont été enrichis par le courage, l’inventivité, les méthodes et l’engagement des porteurs de ces projets soutenus au sud. Ainsi le nord aide le sud, mais le sud aide aussi l’homme à grandir au nord. Nous avons proposé à des responsables de deux projets soutenus dans le passé par la commission, – Vietnam Plus et Togombere au Nord Cameroun –, et à un membre de la commission, – Joséphine de Linde –, d’illustrer comment et à quel point ils avaient personnellement grandi grâce au lien qu’ils ont entretenu avec un projet au sud.

 

Les deux projets avaient en commun, comme beaucoup d’actions soutenues par la commission, une démarche de développement communautaire, et une approche intégrée qui s’adresse à l’homme entier. Daniel Cao de Vietnam Plus a présenté les actions menées sur le terrain par l’association, ses questionnements ainsi que les raisons personnelles pour lesquels il s’est engagé et ne renonce pas, malgré les difficultés et les doutes. Etienne de Ponteves a, de son côté, présenté le travail effectué autour de Christian Aurenche à Togumbere au Nord Cameroun, mais aussi le réseau de solidarité qui s’est constitué en France avec ce projet, et à quel point il est riche de rester en lien des années durant avec un groupe d’Africains qui “ soulèvent des montagnes ”.

 

Après un débat très riche, notamment sur les conditions d’efficacité du développement, nous avons entendu le témoignage très émouvant de Joséphine sur le combat qui est mené contre la prostitution enfantine par l’association internationale ECPAT, basée à Bangkok. Le travail à faire est là-bas, mais aussi ici en direction des touristes sexuels de nos pays. Beaucoup à faire, mais ce sont des combats tellement passionnants et importants que nous nous sommes tous promis de continuer, chacun déjà à sa manière.

 

Henri de REBOUL

 

 

ATELIER : “ L’UNIVERSALITE DES DROITS DE L’HOMME ”

Animé par l’ACAT, Guy Aurenche

 

La "Déclaration universelle des droits de l'homme" du 10 décembre 1948 est un événement historique, un repère juridique, un moyen pour agir, une dynamique à poursuivre. Si, et seulement si elle est relayée par l'action politique, elle devient un puissant outil d'interpellation des pouvoirs et des Etats signataires, pour leur rappeler leurs engagements.

-          Un événement historique : elle s'inscrit dans le contexte de l'après guerre, marqué par la shoah et Hiroshima.

-          Un repère juridique : les trente propositions qu'elle contient fixent les barrières à ne pas franchir pour ne pas tomber dans la barbarie.

-          Un moyen pour agir : elle fixe des objectifs pour que, ensemble, nous puissions lutter contre la terreur et la misère, là où la dignité de tout être humain est bafouée de la façon la plus criante.

-          Une dynamique à poursuivre : d'autres textes ont vu le jour, citons la signature en 1966 de deux pactes, les "Droits sociaux, économiques et culturels" et les "Droits politiques" ; l'installation en 1998 de la "Cour pénale internationale" appelée à juger les crimes contre l'humanité.

Les hommes ont besoin de frontières de toutes sortes, idéologiques et culturelles, politiques et religieuses. Ils ont aussi besoin de les traverser pour se connaître et, au-delà de leurs divergences, pour débattre et défendre, partout, les droits universels qui fondent la dignité de tout être humain.

 

Marie-Claude DUMOULIN

 

 


ATELIER : “ FRONTIERES PERSONNELLES, FRONTIERES INVISIBLES ”

Animé par Marie-Béatrice de Lassat, Marie-José Lecat-Deschamps,

Nadia Chamas, Marie-Hélène Cheylus, Alexandra Nègre, Sylvain Grevedon

 

Quand les frontières invisibles se dévoilent…

 

Jeunes de la JEC, amis du CPHB, simples inscrits à la journée "L'Homme debout"…, ils étaient 55 ce samedi à chèrement gagner l'accès à l'atelier sur les frontières personnelles, en franchissant une symbolique mais lourde porte de bois ! Deuxième passage : se jeter à l'eau pour un temps de partage en petits groupes, à partir d'une trame concoctée par l'équipe de préparation et d'une invitation à risquer le "je".

 

De nombreuses confrontations aux frontières dressées en murailles, aux peurs et aux doutes, aux dialogues de sourds, aux regards qui jugent …, ont été évoquées tout en pudeur. Loin d'un sombre tableau, brèches, nuances et chemins de traverses se sont révélés au fil des échanges. Voilà le témoignage de celui qui se croyait victime d'une personne plutôt raciste, qui en fait s'est avérée ouverte au dialogue, mais parfois juste pressée et cherchant à se protéger. La nécessité des frontières, leur aspect constructif, n'ont pas non plus été occultés : quelqu'un ne soulignait-il pas qu'il pouvait attendre accueil et écoute, mais sans que son interlocuteur n'imagine trop vite le comprendre. Le danger ? - Ne pas tenir compte des différences, risquer de ramener à soi.

 

Cet après-midi là, différemment selon les groupes, parole et écoute ont traversé plusieurs frontières, à commencer par celles des appartenances, des âges, des lieux de vie, ou des certitudes sur soi-même. Ainsi cette personne convaincue de ne pouvoir parler en public, mais dépassant un instant sa peur en nous la confiant, avant de poursuivre l'échange le plus naturellement du monde ! Enfin, quelques désirs se sont exprimés : sortir du jugement, des schémas et certitudes. Sans naïveté, se risquer à plus de confiance, donner sa chance au changement, ne pas occulter les différences sous prétexte de consensus, déplacer les frontières…

 

En bouquet final, ce fut une belle floraison de “ post-it ” porteurs de la parole de chacun, et donnant chair et couleurs à la trame initiale.

 

Alexandra Nègre

 

 

ATELIER : “ PROGRESSER DANS LE DIALOGUE ET LE DEBAT ENTRE PERSONNES ”,

Animé par Saint-Bernard-de-Montparnasse, Jean-Claude Deveze,

Marie-Michèle Grolleron

 

De la vertu du silence dans le dialogue.

 

L’atelier sur l’apprentissage du dialogue, animé par le groupe “ Démocratie et spiritualité ” de Saint Bernard, a attiré une quarantaine de personnes qui se sont empilées dans la sacristie. Malgré une installation sur plusieurs rangées peu propice aux échanges, la méthode de travail basée sur une expérience vécue m’a semblé très stimulante.

 

Nous avons commencé par 10 minutes de silence, avec pour seul point de ralliement la flamme d’une bougie. Les réflexions qui se sont succédées ensuite émergeaient de ce recueillement.

 

Au départ, il s’agissait plus d’une juxtaposition de remarques, assez riches, dont petit à petit, une cohérence s’est dégagée. Les phrases de chacun se faisaient écho, sans qu’il s’agisse d’un débat d’idées où chacun cherche autant le plaisir de la dialectique que le progrès de la réflexion… Au bout d’une demi-heure pourtant, la parole a été monopolisée par quelques personnes “ qui connaissaient le sujet ” et se renvoyaient la balle. Un deuxième temps de silence a relancé le schmilblick et permis à quelques nouveaux de s’exprimer ; les jeunes, nombreux dans la salle, se risquant à leur tour.

 

Martine ROGER-MACHART