Spécial papier Immigration mai 2006

 

 

Ne transigeons pas avec le droit de l’étranger

Un éditorialiste du quotidien La Croix soulignait - il y a quelques jours - que Nicolas Sarkozy craignait plus l’opposition des chrétiens à son projet de loi que celle des socialistes. Les chrétiens en effet craignent que les dispositions de ce texte discuté à l’Assemblée Nationale depuis le 2 mai ne remettent en cause les droits fondamentaux de la personne humaine - droits que la France a pourtant reconnus dans des engagements internationaux - et qui sont, pour les chrétiens, directement inspirés de l’Evangile.

Nous vous présentons ci-dessous :
.1) un commentaire de ce projet de loi (« Ne transigeons pas avec le droit de l’étranger », p.1-7) Il souligne les dispositions qui nous semblent viser les personnes les plus faibles et il donne des exemples précis de ce qui arriverait si elles étaient adoptées.
.2) la lettre que nous vous proposons d’envoyer à votre député* (p. 8) Même s’il est soumis à la position de son parti, il n’est pas inutile de lui faire savoir que des citoyens veillent…

L’équipe pastorale

 

Deux années après la dernière loi sur l’immigration, le gouvernement veut réformer le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et des Demandeurs d’Asile (CESEDA) « pour lutter contre l’immigration subie, promouvoir une immigration choisie et une intégration réussie ». L’immigration est ainsi officiellement reconnue pour sa contribution à notre société et des mesures devraient favoriser l’insertion, ce qui nécessite des efforts de part et d’autre. Nous sommes bien conscients qu’un tel sujet est complexe et que la responsabilité des législateurs est très lourde pour décider dans l’intérêt général. Nous tenons donc à dire nos alertes.
En privilégiant une immigration « choisie » vis-à-vis d’une immigration dite « subie » contre laquelle il faudrait lutter, se profile un recul des droits liés au respect de la vie familiale et à l’accueil des demandeurs d’asile. Ce projet veut d’un côté attirer les étrangers talentueux et compétents, ou utiles pour combler certains besoins de main d’oeuvre, mais de l’autre augmenter les obstacles pour ceux qui doivent bénéficier des conventions signées par la France sur les droits fondamentaux. Le durcissement des procédures et les allongements multiples de délai vont mettre en danger la solidité des couples avec des incidences notables sur leurs enfants. Le projet accule à la désespérance les milliers d’étrangers présents depuis longtemps en France, « sans-papiers », à l’heure où il entrouvrirait le marché du travail.

Cette réforme s’inscrit délibérément dans une perspective utilitariste. Seront acceptables en France les étrangers perçus comme nécessaires pour l’économie, la personne humaine et sa situation personnelle devenant secondaires et ses droits restreints. Il est de notre devoir de chrétiens de rappeler que l’homme doit toujours être au coeur de nos choix et la loi toujours viser à protéger les plus faibles. Les premiers à « subir » la migration sont ceux et celles qui sont poussés sur les routes de l’exil, contraints par la pauvreté et la mauvaise gouvernance. Le bien commun, qui ne se limite pas à nos frontières, exige de marquer une priorité réelle et proclamée pour le développement, notamment pour que nul ne soit obligé d’émigrer contre sa volonté. L’aide au développement dans le monde et l’accueil de l’étranger sont devenus des responsabilités majeures qui supposent une solidarité accrue et une remise en cause de nos modes de vie. En tant que citoyens et chrétiens nous ne pouvons pas accepter la vision d’une société centrée sur elle-même, ni donc cette vision de l’homme qui va à l’encontre de notre tradition et de nos convictions pour le Bien commun.
Motivés par la solidarité et la défense des plus faibles, en partenariat avec de nombreux membres de la société civile, nos organismes, mouvements, associations et services chrétiens refusent que des mesures de plus en plus restrictives propulsent des milliers d’hommes et de femmes dans la précarité et le désespoir.
Aussi estimons-nous nécessaire d’éveiller les consciences, d’appeler à la vigilance, à l’information sur ce projet de loi qui compte des dispositions inquiétantes.

Nous nous engageons à agir pour que notre société
porte un autre regard sur l’immigration.

INITIATIVE DES CHRETIENS POUR L’INFORMATION SUR LE PROJET DE LOI « IMMIGRATION ET INTEGRATION ».

Initiateurs :

• Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement
• Cimade - Service OEcuménique d’Entraide
• Secours Catholique - Caritas France
• Service National de la Pastorale des Migrants.

Signataires nationaux :

• ACAT-France
• Action Catholique des Enfants
• Action Catholique Ouvrière
• Action Catholique Générale Féminine
• Action Catholique des Milieux Sanitaires et Sociaux
• Association des Cités du Secours Catholique •Association Espoir
• Association Française des Pharmaciens Catholiques
• Association « Les Champs de Booz »
• CASP
• Centre de Recherche et d’Action Sociales (Ceras -Projet)
• Carrefour de l’Eglise en Rural
• Commission Provinciale Justice et Paix des OMI
• Communauté Mission de France
• Conseil national de l’Alliance Nationale des UCJG-YMCA
• DEFAP
• Dialogue et coopération
• DOM’Asile
• Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France
• Equipes Enseignantes
• Equipe Nationale des Prêtres-Ouvriers
• Fédération de l’Entraide Protestante
• Fils de la Charité
• Franciscain International
• Jeunesse Indépendante Chrétienne
• Jeunesse Ouvrière Chrétienne
• Justice et Paix-France
• Mission de la mer
• Mission Populaire Evangélique de France
• Mouvement Chrétien des PTT
• Mouvement du Nid
• OEuvres et Institutions des Diaconesses
• Pax Christi
• Petites Soeurs de l’Assomption
• Réseau Chrétien Immigrés
• Réseau Foi-Justice Europe - Afrique
• Secrétariat National de la Mission Ouvrière
• Service National des Gitans et Gens du voyage
• Soeurs de Notre Dame
• Société des Missionnaires d’Afrique
• Union Nationale des CPCV
• Vivre ensemble l’Evangile Aujourd’hui


Nos organisations invitent chacun à lire l’argumentaire qu’elles ont élaboré et qui met en évidence certains aspects du projet de loi, révélateurs de ses dangers.
Utilisons-le pour informer, débattre, interpeller les élus qui sont nos représentants...

S/c Service National de la Pastorale des Migrants
269 bis, rue du Fg Sainte Antoine - 75011 PARIS
Tél. : 01 43 72 47 21 - fax : 01 46 59 04 89
snpm @eglisemigrations.org - www.eglisemigrations.org

6 mai 2006 - 14h30 à 17h - Institut catholique de Paris - rue d’Assas 75006 Paris
QUELLE POLITIQUE POUR L'IMMIGRATION ?
Forum organisé par le Réseau Chrétiens-Immigrés et la Faculté de Sciences Sociales et Economiques (FASSE)
Salle des Actes - Informations : reseau-chretien-immigres @noos.fr


COMMENTAIRE DU SERVICE NATIONAL DE LA PASTORALE
DES MIGRANTS

PRINCIPALES MODIFICATIONS PREVUES PAR LE PROJET DE LOI SUR L'IMMIGRATION
De graves atteintes au respect de la vie privée et familiale

Le conjoint étranger d'un Français
L’obligation de présenter un visa de long séjour pour accéder au séjour.
Cette condition revient à obliger le conjoint de Français dépourvu d’autorisation de séjour à repartir chercher un visa de long séjour. Ceci implique une séparation du couple (alors même que la délivrance du titre est conditionnée à la communauté de vie !) pendant une durée impossible à déterminer étant donné les difficultés à obtenir un tel visa, des frais importants autant qu'inutiles, un retour impossible pour ceux qui encourent des risques dans leur pays d’origine… Toutes ces raisons amènent à penser que de nombreux conjoints de Français préféreront rester en France sans titre de séjour ; inexpulsables après plusieurs années de vie commune, ils viendront grossir les rangs des sans-papiers.

Laurent, un ami de longue date, vous choisit pour être témoin à son mariage. Il épouse Juliette, une jeune femme libérienne. Elle a fui son pays dès qu'elle a obtenu un visa de tourisme pour la France et est arrivée en 2001. Elle a de suite formulé une demande d'asile qui n'a malheureusement pas abouti car elle fut mal conseillée. Sa rencontre avec Laurent a représenté une grande stabilité dans sa vie. Mais vous êtes choqué car Juliette ne peut pas vivre en France en tant qu'épouse d’un Français sans retourner dans son pays d’origine solliciter la délivrance d'un visa long séjour.
Or, elle a dû vivre des choses douloureuses dans son pays et Laurent lui-même confie qu'il ne la laissera jamais y repartir. Par discrétion, vous ne posez pas de questions, mais vous comprenez que Laurent et Juliette vont vivre des moments difficiles...

La suppression de la délivrance de la carte de résident de plein droit

Jusqu'alors, le conjoint de Français obtenait « de plein droit » une carte de résident de dix ans au bout de deux ans de mariage. La suppression de cette mesure maintiendra plus longtemps les conjoints de français dans un statut précaire. Si l’objectif est de lutter contre les mariages de complaisance, cette disposition n’est pas utile dans la mesure où une autre disposition prévoit la possibilité de retrait du titre de séjour en cas de rupture de la vie commune dans les quatre ans après le mariage.

La suppression de la régularisation après 10 ans de présence habituelle en France
Cette disposition qui accordait le séjour après 10 ans en France, plus ou moins « en règle », n’était pas une "prime à la clandestinité" mais bien la reconnaissance des attaches personnelles nouées par un étranger ayant vécu de longues années dans notre pays, et donc vivant une intégration de fait. Sa disparition va enfoncer dans la précarité et la clandestinité des étrangers qui vivent depuis longtemps en France. Loin de limiter le nombre de sans-papiers, elle risque de créer, au contraire, des hors-la-loi à perpétuité.

Aïssatou est votre voisine malienne. Vous discutez souvent avec elle sur le trottoir, près de la boulangerie. Se sentant en confiance, l'autre jour, elle vous confie avoir quitté son village parce qu'elle était promise à un mariage forcé. Elle est arrivée en France en 1997 et elle n'a pas revu sa famille depuis. Ici, c'est difficile de vivre sans papier. L'an prochain, elle espérait pouvoir demander un titre de séjour et vivre enfin « en règle ».
Elle est bouleversée car elle vient d'apprendre que, malgré ce long temps en France, elle ne pourra plus espérer être régularisée. Elle est acculée à vivre sans papiers pour toujours.

L'admission au séjour au titre des liens personnels et familiaux en France
La carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » rend la loi française compatible avec les obligations issues la Convention européenne des droits de l'homme (art. 8).
Le projet de loi cumule les conditions qui rendront très difficile l'accès à cette carte pour ceux dont les liens personnels ou familiaux sont établis dans notre pays. Il exige d’un sans-papiers qu’il justifie à la fois de conditions d’existence - donc ressources, logement…- et d’une insertion. Cela revient à demander à une personne dépourvue de titre de séjour, et qui vit par définition dans une situation précaire, de remplir des conditions qui ne peuvent concerner que des personnes déjà installées légalement en France. Le fait de ne pas maîtriser le français pourrait être facteur d’exclusion. Ceci est d'autant plus paradoxal que, régularisée, la personne pourrait justement contribuer aux ressources de la famille et bénéficier de l’aide prévue pour son insertion.

Le regroupement familial
Les conditions du regroupement familial sont durcies. L’étranger doit déjà répondre de conditions de vie que de nombreux français n'atteignent pas, notamment en termes de logement et de ressources, le projet de loi excluant certaines allocations des ressources prises en compte pour ce regroupement.
Le délai pour le solliciter est allongé à 18 mois (deux ans selon le discours de présentation du projet).
Le conjoint et les enfants entrés en France par regroupement familial devront attendre trois ans pour pouvoir solliciter une carte de longue durée, délivrée de façon discrétionnaire par la préfecture.
Enfin, le projet allonge la durée de dépendance totale du conjoint regroupé puisque, si le couple se sépare pendant trois ans suivant ce regroupement, au lieu de deux, son titre de séjour pourrait être retiré.
L’allongement des délais, cumulés aux lenteurs constatées dans la pratique, et l’augmentation des exigences vont fragiliser le lien conjugal et familial, avec ses incidences sur les enfants.

Vous croisez Aziz, votre voisin. Il est las, car il n'en finit pas avec les démarches pour faire venir sa femme et ses deux enfants. La première fois qu'il a demandé le regroupement familial, on lui a refusé après une longue procédure parce que le logement avait les toilettes sur le palier. Il a trouvé à grand peine un autre appartement compatible, mais qu’il fallait louer immédiatement. Et d’ici la réponse, il doit payer le loyer d'un logement bien trop grand pour lui seul. Ah ! il en a encore pour longtemps avant que la famille ne soit là. Si toutefois, cette fois-ci, ça marche car il a perçu 2 mois d’allocations de solidarité voilà un an. Le temps lui semble si long. La dernière fois qu'il l’a vu au Maroc, son petit dernier ne l'a pas reconnu !

La reconnaissance d'un enfant français
A Mayotte, reconnaître sa paternité sur un enfant si la mère est sans-papiers devient suspect pour un Français : le procureur de la République pourra s’opposer à l’enregistrement de cette reconnaissance et faire procéder à une enquête de police. Ce qui était jusqu’à présent l’affaire du couple deviendrait celle de la justice. Quoiqu’il en soit, si la maman est sans-papiers, les parents devront payer les frais de maternité. Pour toutes ces raisons, des enfants risquent de ne pas être reconnus et de ne jamais avoir de père.


Une précarisation renforcée

La carte de long séjour
C'est la carte, parce qu'elle est valable 10 ans, qui permet une stabilité du séjour et donc une véritable intégration. Les conditions pour l'obtenir sont considérablement durcies. On assiste à une inversion de la logique : il faudra désormais prouver son intégration avant d’obtenir le statut qui la permet réellement !
Les parents d’enfants français et les conjoints de Français devront attendre trois ans, au lieu de deux, pour pouvoir la solliciter.
Plus grave surtout, la plupart de ces cartes de résident seront délivrées selon le pouvoir discrétionnaire de l’administration. La notion de délivrance « de plein droit », instaurée à l’unanimité en 1984, disparaît quasiment. La règle devient la carte de séjour temporaire, c’est-à-dire la précarité : comment trouver un logement et un travail stable avec un titre de séjour d’un an ?
De plus, l'étranger obtient actuellement au bout de dix ans de séjour « en règle », une carte de longue durée : cette disposition est purement et simplement supprimée.
Les étrangers, en séjour régulier depuis longtemps, ne doivent pas demeurer à la merci d’une appréciation subjective de services administratifs.

Veuf depuis douze ans, Alexandre avait quitté l’Ukraine pour vivre près de sa fille unique, installée en France. Comme celle-ci s’était engagée à compléter sa petite retraite sans qu’il ait recours à la solidarité française, il avait obtenu une carte de « visiteur », renouvelée dans les mêmes conditions. Aujourd’hui, sa fille est en difficulté financière et ne va plus pouvoir lui apporter la même garantie. Tant bien que mal, ils pensaient subsister ensemble sans aide extérieure, d’autant que ses dix ans successifs « en règle » devaient lui accorder le séjour de longue durée. A bientôt 80 ans, il n’a jamais réussi à s’initier au français et la nouvelle loi va anéantir ses espoirs : lui faudra-t-il repartir en Ukraine où il n’a plus guère de liens ni de toit…

La carte « temporaire » de séjour

Le projet vise à mettre en place « une immigration choisie » en fonction des besoins de la France. La carte temporaire, généralement d’une année et qui devient le permis de séjour d’un nombre croissant d’étrangers, serait « retirée » si cesse l’une des conditions de délivrance ! Cette disposition n’est donc pas limitée au renouvellement et concerne toutes les cartes temporaires en cours de validité, aussi bien les travailleurs en rupture de contrat et non indemnisés que les malades en cours de soins si un traitement devient subitement possible au pays…

Elise est venue du Cameroun pour un travail dans une entreprise. Elle est notoirement exploitée : on l'oblige à effectuer des heures supplémentaires sans la payer. On lui a dit que si elle est mécontente elle peut démissionner et si elle fait sa mauvaise tête on la licencie : il y a tant de chômeurs qui cherchent du travail ! Elise pense qu'elle perdrait alors son droit au séjour et devrait repartir ou vivre « sans-papiers ». Alors, elle se tait...

L’immigration sera bienvenue pour les cas de pénurie de main d’oeuvre dans une zone géographique et un métier définis : une liste ouvrirait ces emplois à des étrangers que l’on ferait venir. Ces migrants vivront dans la dépendance du besoin ponctuel de main d’oeuvre ou d’une modification de cette liste. La crainte sur leur séjour, pour ces étrangers en proie à une telle incertitude, ouvre la voie à d'amples dérives ou exploitations.


La création d'une nouvelle carte "Compétences et talents"

Ainsi est nommé un titre de 3 ans créé pour l'étranger "susceptible de participer au développement de l'économie française ou au rayonnement de la France dans le monde" ou au développement de son pays.
Pour en augmenter l’attrait, cette carte permettrait d’exercer la profession de son choix et d’échapper à la procédure du regroupement familial. Ceci est inéquitable par rapport aux autres catégories d'étrangers qui voient s’éloigner ces perspectives. Cette vision de l'immigration est donc clairement le choix d’une sélection élitiste par l'administration, reléguant la famille et les attaches dans notre pays en fonction d’objectifs quantitatifs et de « capacités d’accueil », dans un contexte de repli sur soi et de rejet des moins performants.


Des délais de recours si courts qu’ils annihilent le principe du « droit à un recours effectif »

Obligation de quitter le territoire
Dans les cas de refus de séjour ou de son renouvellement, ainsi que d’un retrait de carte, le projet de loi fusionne l'invitation à quitter le territoire, la décision de reconduite à la frontière et le pays de renvoi dans une « Obligation à Quitter le Territoire Français » (OQTF), censée simplifier la procédure actuelle et désengorger les tribunaux. Dans cette matière très sensible, le délai prévu pour un recours contentieux est de 15 jours, voire 72h dans le cas d’une mise en rétention : ces délais sont beaucoup trop courts pour pouvoir élaborer un recours efficace.

Le droit d’asile
Pour le droit d'asile, le plus grand danger vient d’un projet de décret, annoncé mais non publié fin mars, et qui, parallèlement au projet de loi, réduirait à 15 jours le délai (actuellement d'un mois) pour former le recours contre une décision négative de l’OFPRA. Quinze jours pour rédiger en français un recours précis et circonstancié : autant dire que beaucoup seront de fait privés d’une voie de recours pourtant actuellement décisive ! D'autant que, si l'étranger n'a pu, sous 15 jours aussi, réceptionner la lettre recommandée qui contient ce refus, la Poste la retourne à l'OFPRA : ce courrier est alors réputé avoir été notifié au jour de la 1ère présentation par le facteur et un recours devient hors délais.

Faroud est demandeur d’asile. Iranien, il parle très peu le français et erre d’un hébergement de fortune à un autre. Son courrier est domicilié dans une association éloignée où il passe le vendredi. Le facteur a laissé un avis le lundi ; à la poste locale, il retire une lettre de l’OFPRA qu’un compatriote lui résume : sa demande de statut de réfugié est rejetée. Où trouver une aide pour rédiger son recours en français ? Pas d’argent pour un traducteur ni pour un avocat. Il réussit à convaincre un autre iranien plus à l’aise en français : rendez-vous mercredi, tard le soir. Ils se mettent alors à rédiger. C’est long, difficile. Il doit envoyer le recours ; il écrit trop vite, avec des mots approximatifs. En postant sa lettre, Faroud sait que ses chances de voir sa situation comprise par la commission des recours sont déjà très compromises.

* * *
Ces lignes sont loin d’être exhaustives et ne résument pas l’intégralité du projet de loi dont des versions antérieures contenaient des dispositions plus dures. Elles veulent contribuer à informer l’opinion sur son esprit, interpeller les élus sur les mesures actuelles et montrer la vigilance pour éviter que des propositions plus restrictives ne tentent, lors des débats parlementaires, d’affaiblir encore les droits des étrangers.

UNIS CONTRE UNE IMMIGRATION JETABLE

Manifestation nationale à Paris
Le 13 mai à partir de 14h
Place de la République

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Paris le........................ 2006

M… ou Mme le (la) Député(e),

A partir du 2 mai 2006, un nouveau projet de loi réformant le droit des étrangers en France va être examiné par les parlementaires. Le gouvernement a clairement indiqué qu’il voulait « lutter contre l’immigration subie, promouvoir une immigration choisie et une intégration réussie ». Un tel sujet est complexe et la responsabilité des législateurs est très lourde pour décider de la meilleure voie à suivre dans l’intérêt général.

Mais le bien commun ne se limite pas à nos frontières. Il serait illusoire voire dangereux d’avoir la vision d’une société uniquement centrée sur elle-même. Aussi j’estime qu’il est de mon devoir de chrétien de rappeler que l’homme doit toujours être au cœur de nos choix et la loi toujours viser à protéger les plus faibles. Il est de mon devoir également de rappeler que les migrants -surtout les plus modestes - ont toujours contribué au développement de notre pays.

Ce faisant, je suis en plein accord avec l’appel de 46 associations et mouvements chrétiens intitulé « Ne transigeons pas avec le droit de l’étranger ». De plus, le Conseil des Eglises Chrétiennes de France doit rendre publique une lettre au Premier ministre allant dans le même sens. Ces initiatives se rejoignent pour alerter l’opinion sur les dangers que contient ce projet de loi. Aussi me semble-t-il nécessaire d’appeler votre attention sur quelques dispositions inquiétantes contenues dans ce projet de loi :
• Graves atteintes au respect de la vie privée et familiale : les nouveaux durcissements des conditions d’obtention d’un titre de séjour pour les conjoints de français et pour les candidats au regroupement familial vont fragiliser d’autant le lien conjugal et la vie des enfants.
• Suppression de la possibilité d’une régularisation après 10 ans de présence habituelle en France. La disparition de cette disposition va enfoncer dans la précarité et la clandestinité des étrangers qui vivent depuis longtemps en France tout en méconnaissant leur intégration de fait. De surcroît, elle fabriquera des hors-la-loi à perpétuité.
• Conditions durcies pour l’obtention de la carte de long séjour. Or, valable 10 ans, cette carte est la seule qui permette une stabilité du séjour et donc une véritable intégration.
• Précarisation renforcée avec la généralisation de la carte temporaire (le plus souvent d’une année) qui devient la norme. Mais comment trouver un logement et un travail stables dans ces conditions ? Et, partant, comment s’intégrer véritablement ? D’autant que cette carte temporaire serait « retirée » si cesse l’une des conditions de sa délivrance : travailleurs en rupture de contrat et non indemnisés, malades en cours de soins si un traitement est estimé subitement possible au pays, etc.
• Des délais de recours si brefs qu’ils annihilent la possibilité d’un recours effectif.

Ces mesures toujours plus restrictives auront pour effet de propulser des milliers d’hommes et de femmes dans la précarité et le désespoir et de fragiliser d’autant notre société.
Pour éviter que de telles mesures ne soient votées ou que des propositions plus restrictives encore ne tentent, lors des débats parlementaires, d’entraver plus profondément la vie des étrangers dans notre pays, j’en appelle à votre vigilance et votre responsabilité d’élu.

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à mon courrier, je vous prie d’agréer, M… Madame le (la) Député(e), l’expression de mon entière considération.

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* Vous trouverez l’adresse électronique de votre député sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr A droite de la page d’accueil de ce site, figure la liste des députés. En cliquant dessus, vous trouverez facilement la présentation de votre député et son adresse électronique pour la lui envoyer cette lettre rapidement. Les discussions démarrent le 2 mai…



 
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