Le papier 23 octobre 2005 |
|||
" Je ne suis pas du tout sensible à cette forme d'art. J'aurais
préféré l'église vide plutôt que ces
chaises. Pour moi, cela n'a aucun sens. " D.L. " Pour ma part j'ai trouvé cette initiative vraiment excellente.
" C'était l'ardente obligation de se remettre en question,
d'abandonner les habitudes, de se re-situer face à cette provocation.
" Autre regard sur l'espace de l'église, sur le carré
au sol qui s'élève pour décrire l'espace où
se dit la parole dans le silence... " D.C. " Toutes ces chaises dans l'espace laissent penser qu'une situation
que l'on croit bien assise est parfois incertaine. " H.L. EMMANUEL MEYSSONNIER NOUS A QUITTES LE 10 SEPTEMBRE
Notre frère Manu, c'était du solide, la force de la nature.
Dans la vie il s'en ait pris des coups dans tous les sens, mais il se
relevait toujours malgré les blessures. Toutes petites déjà,
il nous protégeait des assauts répétés de
notre frère Antoine qui se faisait minuscule devant sa carrure
imposante. LES MORTS DE LA RUE Le Collectif les Morts de la Rue organise deux célébrations
dans l'année : une laïque et la seconde religieuse. Cette
année, c'est le temple Bouddhiste Tibétain de Levallois
qui reçoit. Les personnes de la rue, Une collation sera servie à l'issue de la cérémonie THEATRE A SAINT MERRY : SCANDALE OU GRACE ? " Seulement les éléphants " 1ère pièce jouée à titre expérimental, à St Merry, a suscité enthousiasme et critiques. Son auteur Jacques Mérienne, nous donne quelques clés pour comprendre comment le théâtre, via le genre de la farce, exprime la vérité humaine, révèle, le sacré là où on ne le cherche pas, dénonce les tabous qui nous éloignent du trésor caché. L'expérimentation de l'Accueil Théâtre a commencé par quatre séances qui ont divisé le public. Certains ont été blessés, qu'il acceptent nos excuses, certains, plus nombreux, ont été enthousiastes, qu'ils soient remerciés de leurs encouragements. Si l'accord s'est fait en général sur la valeur du travail artistique et, hélas aussi, sur les déficiences de la technique (audition difficile), il ne s'est pas fait sur le contenu : mais on s'y attendait ! Si ce n'est pas pour passionner les uns et les autres, à quoi bon prendre une telle initiative à Saint Merry ? Dans une église les limites à ne pas franchir sont claires : ne pas heurter la pudeur par le comportement des comédiens, même si l'on parle de choses osées, voire tabous, et ne pas blasphémer (quelle que soit la religion dont on parle, toutes doivent être respectées), même si un personnage exprime une révolte contre Dieu. Cependant, c'est sa richesse, le théâtre stimule l'imagination du spectateur qui a tendance à en voir plus que ce qui lui est montré, et a réagir en conséquence davantage sur sa propre impression que sur la rigueur éthique du spectacle. On ne vient pas au théâtre pour faire sa lessive et pourtant on y apporte son linge sale ! C'est fait pour ça, mais ce n'est que du théâtre : le défi des comédiens est de faire ressentir au spectateur que même si ce qui se joue n'est pas " pour de vrai ", la licence poétique exprime une profonde vérité humaine. Le comédien qui incarne celui qui meurt à la fin ne meurt pas vraiment (soyez rassurés !), et les paroles qu'il prononce sont " distancées ", c'est à dire qu'elle ne sont que l'écho de paroles (parfois choquantes) qui, elles par contre, sont réellement prononcées ailleurs, en d'autres temps et en d'autres lieux, et qu'habituellement on n'entend pas parce qu'on peut se boucher les oreilles, ce qui est de plus en plus difficile devant la soupe télévisuelle qui nous laisse anesthésiés. Dans nos célébrations liturgiques, dans les concerts et dans cette dernière initiative, quelle conception du " sacré " est en jeu ? Je le disais l'autre jour à la fin de la messe : on apprend (de moins en moins !) aux enfants à se tenir tranquilles dans une église : c'est-à-dire à faire silence. Mais si on en reste là, on ne leur apprend qu'à se taire. Je rêve que dans une église on leur apprenne aussi à crier (ou chanter ?) leurs peines et leurs joies, leurs bonheurs et leurs révoltes. Tant pis si cela fait du bruit : ce sont nos silences qui étouffent la douleur ou l'espérance du monde, pas nos cris ni nos chants. Le sacré c'est le cur de l'homme : " car ce que dit la bouche, c'est ce qui déborde du cur. L'homme bon, de son bon trésor retire de bonnes choses ; l'homme mauvais, de son mauvais trésor, retire de mauvaises choses. " Or je vous le dis : les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole sans portée qu'il auront proférée ". (Mt 12/35) Bien sûr il est dans la règle du jeu de la Farce (depuis l'antiquité) de " choquer le bourgeois " avec les tabous de l'argent (aujourd'hui l'argent sale du " libéralisme sauvage ") et du sexe (aujourd'hui le tout-sexe médiatique obligatoire). Mais ces tabous-là ne sont que des leurres qui en dissimulent d'autres, que notre société occulte avec obstination : l'amour et la mort, dont il est encore plus transgressif de parler librement entre nous, et avec ceux qui nous entourent. Le genre de la farce le permet de façon très directe, parfois brutale, et c'est tonique. A la fin d'une séance une jeune femme s'approche de moi. Elle
a le visage réjoui de quelqu'un qui a passé une bonne soirée
à rire, mais il y a plus que cela dans ses yeux : " Cela a
été pour moi, dit-elle, un moment de grâce, oui vraiment
de grâce - on dit comme ça n'est-ce pas ? - J'ai été
éduquée chez les surs et à l'adolescence j'ai
tout envoyé balader pour vivre comme je l'entendais. Ce soir, écouter
tout cela, et en rire, m'a libérée : j'ai pris conscience
qu'en moi, à côté de ma révolte de mon rejet
virulent de l'Église, cohabitait encore l'Évangile, et je
me le cachais ". Elle a décelé au creux du texte la
petite perle d'Évangile qui y est cachée, la prochaine fois
je la cacherai mieux, mais les curs purs ont le nez creux. Jacques Mérienne
|
|||