Prises de paroles

 

Dimanche 15février

"De partout on venait à lui"

Lectures
• Livre des Lévites (Lv 13, 1-2. 45-46)
• 1ère lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1 Co 10, 31-11,1)
• Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 40-45)

EVANGILE

Surtout ne dites rien à personne !
Je suis frappé par ce lien qu’on trouve souvent dans l’Évangile entre le secret et la guérison. Jésus voit venir vers lui des gens porteurs d’une souffrance et d’un secret. « Un lépreux vient trouver Jésus ». Il découvre chez cet homme une foi, venue d’on ne sait où, qui le pousse vers lui. Comment cette femme, cet homme, savent-ils que Jésus inaugure l'ère du bonheur universel annoncé par Isaïe dans les « cieux nouveaux et la terre nouvelle » il n'y aura plus larmes ni cris (Is 65, 19), ni voiles de deuil (Is 61, 2). C'est bien cela que le lépreux demande à Jésus, la guérison promise pour les temps messianiques. Et Jésus répond exactement à cette attente : Jésus accueille cette foi, le lépreux est sauvé. Et il repart avec en main sa vie et le secret qui désormais donne sens à sa vie, secret que Jésus lui demande de préserver, mais que cet homme sauvé ne pourra contenir, son bonheur explose.

Jésus recommande le secret. On a appelé cela le secret messianique : il ne voudrait pas qu’on sache ce qu’il est venu faire, il se protègerait. Mais où dans l’Évangile voit-on Jésus se protéger ? Jamais. Il se sauve parfois pour aller prier, ou parce qu’on veut le faire roi, mais finalement il se laisse rejoindre. Quand Pierre veut le protéger du danger, il le repousse violemment : « arrière de moi, Satan ! ». Je crois plutôt que le secret que protège Jésus est la foi de ceux qui ont entendu dans leur cœur sans bien la comprendre, une voix qui disait : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ! ». Car, en prenant le risque de toucher le lépreux, Jésus a posé un geste audacieux, scandaleux même, un geste d’une extraordinaire liberté qui risque de se retourner contre eux. Jésus ne recrute pas ceux qu’il guérit dans le groupe des apôtres, une part de sa mission reste marginale, donc une part de la nôtre, je voudrais ce matin vous en donner un témoignage sur un événement qui s’est déroulés ici, même s’il est resté discret.

Si le lépreux est parti guéri, la maladie demeure et menace…

Nous y revoilà, le SIDA est de retour ! Notre quartier subit à nouveau une véritable catastrophe humaine, en silence. Car si dans notre société les sidéens sont soignés —pas guéris juste soignés— ils restent exclus, rejetés, pour tout dire impurs. Mais ce n’est pas cela le scandale ou l’audace : l’audace et le scandale c’est que Lui il était là, dans le secret de leur cœur, Jésus qui se donne dans un geste audacieux, scandaleux même, un geste d’une extraordinaire liberté. Il répond exactement à leur attente. Certains sont partis différents, ils avaient prié, peut-être malgré eux, ou bien on avait prié pour eux parce qu’eux ne savent pas le faire eux-mêmes, et ils étaient d’accord parce qu’ils étaient venu pour ça. Comment je le sais ? Juste certains regards que je croise quand je marche dans ces rues, dans nos rues, je le fais tous les jours, mais il n’y a rien à en dire. Gardons le secret.

Même si cela s’est déroulé ici dans l’église, ce qui était en jeu c’est une autre Église que l’Église rassemblée que nous sommes en ce moment, c’est comme une Église souterraine, invisible, et inattendue, dans laquelle l’Esprit inspire des prières de compassion et de louange. Nous en recueillons parfois le témoignage dans la vie de ceux qui nous entourent, des paroles simples qui dévoilent de manière fugace que l’Esprit qui passe en secret dans les silences. Je prends un exemple dans un milieu que l’on trouve ici sulfureux, c’est bien sûr parce que je m’en sens proche, mais chacun a pu vivre cela dans son propre milieu, là où il travaille ou là où il lutte.

La difficulté c’est quand ces deux Église se rencontrent, l’Église secrète dans la vie et la nôtre, tout autant dans la vie mais explicite. Dans l’évangile de Marc un épisode va conclure tous les épisodes de guérison : « Maître, dit Jean à Jésus, nous avons vu un homme qui chassait les démons en se servant de ton nom et nous avons voulu l’en empêcher parce qu’il n’était pas des nôtres ! Jésus répond : Laissez-le faire. Un homme qui agit en mon nom n’ira jamais ensuite dire du mal de moi. Qui n’est pas contre nous est pour nous. » (Mc 9 /38-40). On se sent serviteurs inutiles quand on se décarcasse pour la mission et qu’on découvre que l’Esprit fait tout seul, à côté, ce qui nous coûte tant de peine ! C’est dur de se consacrer à fond à une mission pour découvrir au bout du compte qu’elle ne nous appartient pas !

 

PREFACE

PERE,
Il y a un seul monde, celui, indivisible, de tous les hommes et toutes les femmes de notre humanité.
Il se trouve aussi au cœur de l'Évangile quand ton fils brave les interdits et accueille les exclus.
Il est là pour nous aujourd'hui le monde unique ,
le Royaume de Dieu s'est approché.

Mais pour nous dans ces combats, comme dans l'Évangile,
l'expression " Il y a un seul monde " ne désigne pas un constat,
mais une décision à prendre, comme l'a prise Jésus de Nazareth contre son peuple,
comme l'ont prise ceux qui accueillent l'étranger, le prisonnier, ceux qui soignent ou visitent le malade, ceux qui consolent leurs frères en deuils ou abandonnés.

Sous la loi de l'argent et du pouvoir n'existe qu'un monde faux, clos, fait de zones, de murs, de mépris, d'exclusions et d'expulsions, de guerre et de morts, un monde éclaté.

Le monde unique n'existera que si nous décidons qu'il y a un seul monde, mais nous, croyants, le décidons alors que nous est révélé que ce monde est " déjà là " en Jésus Christ.
C'est pourquoi nous voulons te rendre grâce et te bénir, en unissant nos voix à celles qui te chantent, unanimes, dans les cieux :
SAINT, SAINT, SAINT…

PRIERE A L'ESPRIT SAINT (d'après J-N Bezançon)

Toi qui nous fais prier mais que nous prions si rarement!
Toi qui es de tous les commencements, de tous les ensemencements,
de tous les enfantements,
et de tous les redéparts et de routes les renaissances, mais qu'on découvre souvent si tardivement, tout à la fin, comme en se retournant.

Toi qui nous fais nommer Dieu mais que nous ne savons
même pas comment appeler!
Ton souci n'est pas d'abord qu'on parle de toi.
Ta joie, c'est de nous faite chanter que Dieu est Père et que Jésus est Seigneur!
Mystère d'effacement où tu n'es là que pour mettre les autres en avant.
Tu es si discret que, pour beaucoup d'entre nous, tu n'es pas vraiment quelqu'un.
Seulement un souffle, une énergie, un élan.

Alors que notre foi, notre joie de disciples de Jésus,
c'est de te reconnaître et de te chanter comme l'Esprit de Dieu,
tel qu'en témoignent, depuis le peuple de la Bible, tous ceux qui vivent de toi.
Tu as parlé et tu parles encore par les prophètes.
Tu as reposé et tu reposes encore sur Jésus et sur tous ses amis qui font corps avec lui.

Tu es en nous le goût de Dieu, sa saveur, l'émoi suscité par sa beauté.
Tu es Dieu en nous, Dieu reconnu, Dieu aimé, savouré.
Et ceux-là même qui ignorent jusqu'au nom de Dieu.
Tu es le feu sacré de la Pentecôte, donné ce jour-là à quelques-uns pour être un jour tout en tous.
Tu es en eux Dieu enfoui, semé, inconnu, agissant au plus profond de leur coeur, sanctuaire où luit la fragile lumière de leur conscience.
Dieu anonyme, Dieu incognito, tu es le Dieu des sans Dieu.
viens en nous, Esprit Créateur!
Nous avons tant besoin de toi pour que Dieu ne soit pas loin!
Tu es pour nous la proximité de Dieu.
Jésus est son Fils, sa Parole.
Toi, tu es son silence, le recueillement dans lequel la Parole va pouvoir prendre corps.

INTERCESSION

Père, donne-nous dans ce repas ton Esprit Saint : qu'il fasse disparaiitre les causes de nso divisions, qu'il nous établisse dans un amour plus grand avec tous nos fréres dans ton Église universelle et ton peuple tout entier. Fait de ton Église en ce monde le signe visible de l'unité et de la paix.

Notre perception du monde unique fonde les " droits de l'homme " dans notre humanité comme dans notre foi. Le combat pour les droits de l'homme est plus à l'ordre du jour que jamais. Les gouvernants actuels s'appuient sur l'usure du discours humanitaire et surtout sur la professionnalisation de ce combat par les ONG, pour l'écarter quelque peu au profit de la " realpolitik ". Nous n'échappons pas nous-mêmes à cette usure du discours qui démobilise ceux qui ne sont pas personnellement engagés dans une action ou une réflexion sur le terrain.

Nous ne pouvons accepter cette démobilisation car cette conviction d'un monde unique pour tous est depuis toujours au cœur du CPHB comme un principe. La Commission Partage ou le réseau RCI s'y engagent explicitement, mais tous les pôles sont impliqués : solidarité, formation et célébration, accueil, nouvelles générations, art et culture, communication et finances.
On n'y est que lorsque l'autre différent de nous, nous a appris à devenir étranger à nous-mêmes, à créer de la différence autant que de la communion.
Il y a deux usages possibles des identités et des différences. Défensif, contre l'impureté et la corruption des valeurs dont l'autre est la menace, cet usage renforce le faux monde. Créatif, quand l'autre m'aide à me créer moi-même libre et riche de ma ou mes différences, cet usage fait exister le vrai monde.

C'est le bon usage de la différence, de l'identité. N'ayons pas peur !

Jacques Merienne


PSAUME
Entends la voix de ma prière
Quand je crie vers toi,
Quand de lève les mains,
Quand j'implore ta présence.

Seigneur, entends ma prière :
que mon cri parvienne jusqu'à toi !
Ne me cache pas ton visage
le jour où je suis en détresse !

Mes jours s'en vont en fumée,
mes os comme un brasier sont en feu;
mon cœur se dessèche comme l'herbe fauchée,
j'oublie de manger mon pain.

A force de crier ma plainte,
ma peau colle à mes os.
mais toi, Seigneur, tu es là pour toujours;
d'âge en âge on fera mémoire de toi.

Des hauteurs, son sanctuaire,
Le Seigneur s'est penché;
Du ciel, il regarde la terre
Pour entendre la plainte des captifs
Et libérer ceux qui devaient mourir.