Prises de paroles

 

Célébration du Dimanche 18 février 2007

« Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour »

Lectures : 1er livre de Samuel : 1 S 26,2…23 - David épargne son ennemi
1ère lettre de St Paul Apôtre aux Corinthiens : 1 Co 15, 45-49 - A l’image du premier et
du dernier Adam
Evangile selon St Luc : Lc 6, 27-38 - Devenir les fils de la miséricorde

 

Mot d’accueil et « fil conducteur »

Bonjour ! Je salue les habitués de la communauté, les arrivés récents, les personnes de passage - vacances ?- : soyez tous les bienvenus en cette église pour participer à la célébration de ce dimanche, nous allons commencer.

Dimanche dernier, nous avons reçu, à partir de l’évangile de Luc, le message des Béatitudes : passé au feu de la réflexion des jeunes, il était fort, vivant, incarné dans des situations d’aujourd’hui.
Aujourd’hui, nous continuons avec Luc et c’est vraiment la suite du texte, comme si le même message était développé mais la forme est changée :
• Les Béatitudes étaient lancées par des exclamatives : « Heureux, vous les pauvres … !/ Malheureux, vous les riches… ! »
• Aujourd’hui, Jésus donne son message sous la forme d’impératifs :
« Aimez… Faites du bien… Prêtez… »

Le message de ce jour semble plus direct, l’injonction de l’impératif est une façon de dire plus carrée, définitive. Ce qui renforce cette impression, c’est une sorte de « donnant/donnant » :
« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » « Pardonnez et vous serez pardonnés… », l’idée d’une « mesure » dont nous nous servons pour les autres et à laquelle nous serons « mesurés ».
Jésus nous donnerait-il une leçon de pragmatisme pour entrer dans la relation à l’autre, une manière -rassurante, voire raisonnable - d’éviter les risques ? Avec comme un résidu de l’expérience du talion ? Peu probable…
En même temps, comment entendre tout ce qu’il y a d’excès, d’inouï dans ce qui est demandé aux hommes venus écouter Jésus ? Les exemples de Jésus demandent l’impossible : « Ne réclame pas à celui qui te vole…. » « Donne à quiconque te demande », enfin « A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre » : un homme, un être humain peut-il se comporter ainsi aujourd’hui ?

Pour tenter de comprendre, il nous faudra d’abord écouter (tiré du livre de Samuel) le très beau récit du geste de David : David épargne Saül - le méchant, son ennemi - alors qu’il le tient à sa merci !
Et si cette logique-là, mise en acte par David, illustrait à l’avance les paroles de Jésus : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent »
comme une invitation à devenir ce que nous sommes, c’est-à-dire des fils, « fabriqués à l’image de Dieu »,
Dieu, notre Seigneur
« plein de tendresse et de pitié,
lent à la colère et plein d’amour » ?

Céline Dumont

 

Commentaire après la 1ère lecture


Ces paroles du premier livre de Samuel sont en fait un résumé d’un récit plus long mais très vivant au chapitre 26. Il y a même deux récits similaires, avec peu de variantes, pour marquer l’importance du geste de David dans la mémoire du peuple d‘Israël. Deux récits comme pour répondre aux deux tentatives de Saül de clouer David au mur avec sa lance.

Que nous dit le livre de Samuel ?
Saül est devenu roi à la demande des anciens d’Israël ; il a reçu l’onction d’huile des mains du prophète Samuel. Figure de l’homme enfermé en lui-même, qui n’écoute pas la voix du Seigneur. Malade de jalousie jusqu’à la haine contre David, son serviteur.
Saül a peur de perdre sa place.

David échappe donc deux fois à la lance de Saül et s’enfuit . Saül le poursuit et élimine au passage ceux qui l’ont aidé dans sa fuite.
Dès lors il n’est pas étonnant d’entendre Abisaï dire à David :
« Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi entre tes mains. Et bien je vais le clouer à terre avec sa propre lance, d’un seul coup et je n’aurai pas à m’y reprendre deux fois ».
Une telle situation d’exposition de Saül ne peut être qu’un signe donné par Dieu !

Mais David arrête la main de son compagnon : « NE LE TUE PAS ». Il ne qualifie pas Saül d’ennemi, voyant toujours en lui le roi qui a reçu l’onction du Seigneur. Il y a là peut-être le souci du rédacteur de préserver l’institution royale, une sorte d’immunité présidentielle…
Le texte nous dit que David ne se met pas à la place de Dieu. Il ne juge pas à sa place.
« Le Seigneur rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité » . Il y a là dépassement de la loi du talion, qui était déjà un progrès en proportionnant la sanction à la faute.

David fait aussi preuve de sagesse car, passé sur l’autre versant, il se tient à bonne distance de Saül.Le texte d’aujourd’hui en reste là et ne nous dit pas la suite. Devant le geste de David, Saül reconnaît son erreur et son péché.

Ce texte garde une résonance très actuelle, nous mettant face à notre propre violence et à celle de notre monde.
Si je réponds à la violence par la violence,
Si je ne romps pas l’engrenage mortifère de la vengeance,
Si je ne trouve pas la juste distance, en laissant à l’autre un espace, un chemin
Alors la paix n’a aucune chance, l’avenir est fermé.

Facile à dire, beaucoup plus difficile à faire !
Une piste possible : écouter en moi cette autre voix qui me dit « Qu’as-tu fait de ton frère ? ».
Cette voix que le psalmiste évoque en ces termes :
« le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour »

Eliane Brouard


Dimanche dernier nous étions dans les Béatitudes, oui dans les bénédictions et les malédictions !
Aujourd’hui nous avons la suite de cet Evangile de Luc et ce n’est pas simple !

En reprenant ces jours derniers un ouvrage qui traite de l’Evangile de Luc j’ai trouvé cette belle phrase : « Luc est le peintre de la douceur du Christ. »
Alors pas de problème nous pouvons aller de l’avant.

Je fais une première remarque sur ce texte : il s’agit d’impératifs : « Aimez vos ennemis ; souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent ; priez pour ceux qui vous calomnient… et ça continue…
Il s’agit d’impératifs, nous les avons entendus, nous les avons accueillis, nous les avons peut être ratifiés !
Nous constatons dans ce texte que les impératifs sont suivis d’un temps de réflexion, d’un temps de mise à distance comme l’a fait David dans le récit du Livre de Samuel… et nous retrouvons alors les impératifs « Aimez vos ennemis, soyez miséricordieux… et la suite.
Même dans l’urgence il est bon de prendre du recul, de la distance !

Deuxième remarque : nous avons besoin tous et chacun d’être reconnu ; dans ce que nous sommes et ce que nous faisons ! Cela fait partie de notre respiration, de notre équilibre ! Etre reconnu et reconnaître ceux qui nous entourent. Oui, nous reconnaître et nous accueillir avec nos différences et nos originalités.

Troisième remarque. Les paroles du Christ nous bouleversent, nous renversent dans la mesure où, au milieu des ennemis, des calomnies, des coups et des exactions, le Christ semble nous dire qu’il s’agit d’attendre quelque chose de bon ! sans être lénifiants et sots ! Ce qui me fait revenir au livre sur l’Evangile de Luc : Luc est le peintre et la douceur du Christ ! Il s’agit peut être pour chacun de nous de sortir de nos certitudes, de nous remettre en cause, et de prendre le risque de perdre pour tout gagner !

Gérard Wybo