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Célébration
du Dimanche 28 janvier 2007
Lectures : Livre de Jérémie (Jr 1,4…19)
1ère lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Co 12,31
- 13,13)
Evangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 4,21-30)
Bonjour à vous tous d'ici ou d'ailleurs
et bienvenus dans notre communauté.
L'Abbé Pierre est mort en début de semaine et puisque tout
a été dit, je ne reprendrai que quelques mots d'un édito
de La Croix.
« Il nous semblait éternel. Éternellement vieux,
fragile, courbé. Perpétuellement rageur aussi, en lutte
contre toutes les injustices du monde, jamais résigné.
L'Abbé Pierre était l'Abbé Pierre depuis tant d'années
qu’il le sera à jamais dans nos mémoires et dans nos
coeurs. »
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Comme Jérémie à qui Dieu dit « je te donne
aujourd'hui autorité sur les peuples et les royaumes, pour arracher
et abattre pour bâtir et planter »,
dans la synagogue de Nazareth Jésus rappelle qu’ Élie
n'est pas venu pour les veuves d'Israël mais pour une veuve étrangère
et qu’Elisée a plutôt aidé à un lépreux
syrien,
le premier compagnon de l'Abbé Pierre était un bagnard,
un exclu, un à côté.
Le prophète rappelle que Dieu est là pour tout le monde
et pas seulement pour une poignée d'élus.
Commentaire à propos des textes de Jérémie
1,4-17 et Lc 4,16-30.
Tu es prophète pour démolir et bâtir.
Jérémie, Jésus de Nazareth, l’Abbé Pierre.
Les deux termes correspondent parfaitement aux paroles et aux actions
des trois personnages. L’essence du prophétisme, le noyau
dur de la mission du prophète est là. C’est l’homme
qui donne le sens, qui dit le sens de la réalité concrète
et précise.
Dire le sens signifie, comme l’a dit un jour quelqu’un de
la communauté, que le prophète « dénonce l’insupportable
et annonce l’inimaginable ». C’est une autre manière
de dire « démolir et bâtir ».
On pourrait aussi développer une autre variante de ce binôme
:
« Démolir pour bâtir ». Oui, très souvent
il faut démolir pour bâtir. D’où le côté
douloureux de l’affaire.
Mais derrière le « démolir et bâtir »
de Jérémie, de Jésus ou de l’Abbé Pierre
il y a un programme, un horizon.
Le programme de Jérémie ? Lisons le livre.
Le programme de l’Abbé Pierre ? On la conjugué à
tous les temps ces jours derniers ;
Le programme de Jésus ?
Démolir les prisons, annihiler les oppressions, dissoudre les aveuglements.
Bâtir la liberté, construire la justice, ouvrir les yeux,
aimer les autres comme soi-même. Aimer les autres comme le prophète
de Nazareth nous a aimé. Vaste programme : démolir et bâtir.
Méditation à la manière d’une
prière eucharistique pour dimanche 28 Janvier.
Dieu notre Père nous voilà rassemblées autour de
ta table, celle où nous rencontrons ta Parole, celle où
nous sommes nourris d’elle et par elle. Pour cette rencontre et
pour cette nourriture nous te remercions. Nous voulons signaler aujourd’hui
deux raisons particulières pour te rendre grâce. La création
est souvent belle et nous en vivons. Trop souvent hélas nous la
détruisons et nous la rendons laide et moche. Nous la tuons. Bien
que ce ne soit qu’un début, bien que les motifs en soient
souvent l’intérêt pur et dur, on a une lueur d’espoir,
quelques raisons d’espérer. On prend peu à peu la
mesure de la nature, on apprend lentement le respect de la nature, de
ton œuvre. On comprend mollement que l’homme n’est pas
le maître du monde.
Pour cette prise de conscience, Dieu notre Père nous te remercions.
Mais plus particulièrement aujourd’hui nous te remercions
pour les coups de gueule de tes prophètes, pour ces coups de gueule
qui sont les tiens, pour ces démolisseurs invétérés,
ces empêcheurs de tourner en rond, ces éternels insatisfaits.
Merci.
Pour ces prophètes qui embourbés dans la boue la plus gluante
du monde croient en l’homme et en Toi. Pour ces hommes de la terre
et du désenchantement qui espèrent en l’homme et en
Toi et nous ouvrent à l’inimaginable, à l’amour
et à l’espérance.
Nous te remercions aujourd’hui pour l’Abbé Pierre,
pour ses cris et sa tendresse, pour sa foi en toi et en les hommes, pour
son don aux autres.
Nous te remercions car c’est un prophète, une icône
du Christ.
Nous te remercions parce que c’est ton Fils, le prophète,
qui lui a donné sens, force et joie. Pour Lui et par lui nous te
chantons.
Mauvais commencement que celui de la mission de Jésus, dans sa
ville, dans sa synagogue. Tout ce qui perturbe les intérêts
de la tribu dérange, tout ce qui ouvre les frontières provoque
des grincements. On veut éliminer le perturbateur, le contestataire,
le trublion. Et on finira par l’avoir. Et on finira par le mettre
sur une croix, le soi-disant prophète. Pas bien reçu dans
sa famille, ni dans sa ville, ni auprès des siens. Ni auprès
de nous. On le met dehors, hors la ville, hors les murs. Trop tard, la
graine est tombée à terre, la semence va porter son fruit.
La vie nouvelle dans l’Esprit fleurit. Que cette vie nouvelle, Dieu
notre Père, nous soit à nouveau donnée par ton Esprit.
Qu’il fasse de ce pain et de ce vin le Corps du Christ, notre Seigneur.
Nous faisons ce qu’il nous a dit de faire et nous avons raison
car il en va de notre vie dans le mémorial de sa mort et de sa
résurrection. Et ce faisant nous proclamons notre foi dans son
retour.
En te remerciant pour tes prophètes, Dieu notre Père, nous
ne pouvons qu’en redemander encore. Les temps sont à l’anesthésie.
Morne plaine comme disait le poète. Nous avons besoin de tes cris,
des coups de gueule de tes prophètes pour nous réveiller
et mettre en branle notre campagne permanente de démolition, oui,
démolir les oppressions et toutes les prisons ; oui bâtir
une société juste, fraternelle et joyeuse. Oui, que ton
Esprit nous envoie des Jérémies et des Abbés Pierre.
Que l’Eglise, affectée d’une grave surdité chronique
écoute tes prophètes envoyés par l’Esprit.
Que chacun de nous, tous ceux qui partagent le repas du Seigneur, sans
nous décharger sur les chefs, sur les autres, nous soyons aussi,
par l’Eprit, à l’écoute et à l’œuvre,
cette œuvre qui est la tienne : démolir et bâtir.
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