Mots de la foi
8 décembre 2006
L a foi et le sens de la vie
En 2004, la communauté a été invitée au cours
d’une célébration à citer les mots ou expressions
qui disent le mieux sa foi. Regroupés en 7 thèmes, ils ont
donné lieu, en 2005, à l’intervention de « spécialistes
» : théologien, artiste…*.
Nous vous proposons, cette année, de poursuivre notre réflexion
en communauté en commençant par foi-sens de la vie le vendredi
8 décembre 2006 à 19h30.
La soirée se déroule en trois temps :
1) Présentation d’œuvres artistiques et littéraires
montrant l’écho de l’Ecclesiaste (Qohelet : «
…Vanité, vanité, tout est vanité… »)
dans le cinéma, la musique, la littérature…
2) Discussion en petits groupes : « Les quelques œuvres qui
vous ont été présentées font-elles écho
en vous ? En est-il de même pour l’ensemble du livre livre
de Qohelet ? Espérance chrétienne et non sens sont -ils
compatibles ?
3) Rapide mise en commun
SENS : autour de Qohelet
Introduction au livre de Qohelet, sa place et son rôle
dans la Bible, rappel de la soirée du 15/4/05 par Jesùs
ASURMENDI
Le livre de Qohélet ou Ecclésiaste a été
écrit vers 250 avant JC. Son auteur a dû enseigner à
Jérusalem, probablement à l’ombre du Temple.
Les influences des philosophies grecques populaires sont reconnues.
La traduction de son « slogan » le plus connu « vanité
de vanités, tout est vanité » doit être traduit
plutôt par « non-sens. Tout est non-sens », en fonction
surtout des positions de l’auteur dans l’ensemble du livre.
Il y a un sens peut-être pour Dieu mais ce que l’auteur prétend,
c’est que l’homme ne peut pas le découvrir. Donc pour
l’homme tout est « absurde », « non-sens ».
Le livre est « plein » de contradictions. Son auteur en est
conscient et, au lieu de les « camoufler », il préfère
les mettre en évidence non pas pour leur culture morbide mais pour
que les hommes n’oublient pas qu’elles constituent une des
trames essentielles de la vie.
La mort est le critère de la vie de l’homme : il préfère
la fin au commencement, la maison de deuil à la maison de la fête,
les morts aux vivants et plus encore ceux qui n’ont même pas
existé.
Le Dieu de Qohélet est un Dieu lointain, respecté et craint
mais impénétrable.
(selon des notes prises en séance)
Lecture de Qohélet 3,1-15 (traduction «
La Bible, nouvelle traduction » Bayard 2001) par Jacques Mérienne
3,1 Une saison pour tout
un temps
pour tout désir
sous le ciel
2 Un temps pour faire naître
un temps pour mourir
un temps pour planter
un temps pour arracher
3 Un temps pour tuer
un temps pour guérir
un temps pour détruire
un temps pour bâtir
4 Un temps pour pleurer
un temps pour rire
un temps pour le deuil
un temps pour danser
5 Un temps pour jeter les pierres
un temps pour amonceler
un temps pour s’éteindre
un temps pour se séparer
6 Un temps pour chercher
et un temps pour laisser
un temps pour préserver
un temps pour jeter
7 Un temps pour mettre en pièces
un temps pour coudre
un temps pour se taire
un temps pour parler
8 Un temps pour aimer
un temps pour haïr
un temps la guerre
un temps la paix
9 Quel fruit
de son travail
à celui
qui travaille ?
10 Dieu n’a donné
aux enfants de l’homme
que peine pénible
sous le soleil
11 Dieu fit toute chose belle à son heure
il a mis dans les cœurs le temps éternel
mais l’homme ne comprend jamais l’œuvre de Dieu
de son commencement à sa fin
12 Rien n’est bon
je le sais
Que faire bon
et se réjouir
13 Tout homme
qu’il mange ou qu’il boive
s’il est heureux dans son labeur
a tout reçu en don de Dieu
14 Je sais Tout ce que Dieu a fait
sera pour toujours
on n’y peut rien ajouter
rien retrancher
Dieu
fait
craindre
sa face
15 Ce qui fut
déjà le fut
ce qui doit être fut déjà
Dieu retrouve ce qui s’est perdu
Lecture de Qohélet 11,7-12,8 (traduction «
La Bible, nouvelle traduction » Bayard 2001) par Claude Plettner
11,7 Douce
est la lumière
agréable aux yeux
le soleil
8 Si tu vis longtemps
réjouis toi
chaque jour
Pense
aux jours de ténèbre
il y en aura
tout ce qui va est hevel
et vent
9 Réjouis-toi
jeune homme de ton
enfance
de ta jeunesse
sur les chemins de ton
cœur marche dans la vision de
tes yeux fais selon
mais sache
que toujours
Dieu te mènera au jugement
10 Dissipe les
chagrins de ton cœur
les souffrances de ton
corps enfance et
cheveux noirs Hevel
12,1 Souviens-toi
jeune homme
de ton créateur
aussi longtemps que ne
viendront pas les jours
du malheur
aussi longtemps que
ne viendront pas les
années dont tu diras
Rien en elles
pour moi ne sera joie
2.Aussi longtemps que
ne noirciront pas
le soleil
ni la lumière
ni la lune ni les étoiles
Que ne reviendront
Pas
les nuages
après la pluie
3.Au jour où
trembleront les
gardiens de la maison
où se courberont
les hommes de force
où celles qui broient
trop peu nombreuses
cesseront de moudre
Au jour où verront mal
celles
qui regardent
aux fenêtres
4 Et fermés
les deux battants sur la rue
la voix du moulin tombera
quelqu’un se lèvera
au chant de l’oiseau
les filles du chant
s’inclineront
5.Ce sera terreur dans
la montée
terreur sur le chemin
l’amandier blanc de
l’hiver
la sauterelle engourdie
la câpre éclatera
l’homme s’en ira
vers sa maison
dans l’éternité
les pleureurs
tourneront
dans les rues
6.Aussi longtemps que
ne disparaîtront pas
les fils d’argent
que ne se briseront pas
la boule d’or
la jarre à la fontaine
la roue au puits
7.aussi longtemps que
la poussière
poussière ne retombera
pas sur la terre
aussi longtemps que le
souffle ne retournera
pas vers Dieu qui l’a
donné
8 Hevel havalim
dit Qohelet
tout est hevel
vent
Lecture d’Eliot : chap III par Jacqueline Casaubon
T.S.ELIOT
Quatre Quatuor (1036- 1942)
In la terre vaine, Seuil, Paris
East Coker
Ch.III
O noir noir noir. Tous s’en vont dans le noir.
Dans les vides espaces interstellaires, dans le vide au dedans du vide,
Les capitaines, les négociants, les hommes de lettres éminents,
Les généreux patrons des arts, les hommes d’Etat,
les dirigeants,
Les fonctionnaires distingués, les présidents de comités,
Les concessionnaires, les magnats, tous, ils s’en vont tous dans
le noir,
Et noirs le soleil et la lune, noir l’Almanach de Gotha
Noirs la Gazette de la Bourse et l’Annuaire des Actuaires,
Et froid le sens, perdu le mobile de l’action.
Et nous entrons tous avec eux dans le silence funéraire -
Les funérailles de personne, car il n’y a personne à
enterrer.
J’ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et que l’obscur
tombe sur toi
Qui est l’obscur de Dieu. Tout de même que, dans un théâtre,
On éteint les lumières pour changer les décors
Avec un roulement caverneux de coulisses, avec un mouvement de l’obscur
sur l’obscur,
Et nous savons que les collines et les arbres, le panorama éloigné
Et la fière façade imposante sont tous en train d’être
emportés -
Ou comme, lorsqu’une rame, dans le métro, s’arrête
trop longtemps entre deux stations
Et que les conversations s’élèvent pour retomber lentement
dans le silence
Vous voyez derrière chaque visage s’approfondir le vide mental
Qui ne laisse que la terreur croissante de n’avoir rien à
quoi penser ;
Ou lorsque l’esprit, sous l’éther, est conscient, mais
conscient de rien -
J’ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et attends
sans espérance
Car l’espérance serait espérance fourvoyée
; attends sans amour
Car l’amour serait l’amour fourvoyé ; il y a encore
la foi
Mais foi, amour et espérance sont tous contenus dans l’attente.
Attends sans penser, car tu n’es pas prête à penser
:
Ainsi l’obscur sera lumière ; le repos, danse.
Murmures d’eaux vives, éclairs d’hiver ;
Le thym sauvage inaperçu, la fraise des bois,
Les rires du jardin, extase réverbérée
Non point perdue, mais requérant, mais s’efforçant,
vers, l’agonie
De la mort et de la naissance,
Vous allez dire que je répète
Quelque chose que j’ai déjà dit. Je le redirai.
Le redirai-je ? Pour en arriver là,
Pour arriver là où vous êtes, pour partir d’où
vous n’êtes pas,
Vous devez passer par une voie qui est la voie de l’ignorance.
Pour posséder ce que vous ne possédez pas
Vous devez passer par la voie de la dépossession.
Pour arriver à ce que vous n’êtes pas
Vous devez passer par la voie dans laquelle vous n’êtes pas,
Et ce que vous ne savez pas est la seule chose que vous sachiez
Et ce que vous possédez est ce que vous ne possédez pas
Et là où vous êtes est là où vous n’êtes
pas.
Lecture de « l’étranger» de Albert CAMUS
chap. 5 ed. Folio par Didier Carillon
« Le soir, Marie est venue me chercher et m’a demandé
si je voulais me marier avec elle. Je lui ai répondu que cela m’était
égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a
voulu savoir alors si je l’aimais. J’ai répondu comme
je l’avais déjà fait une fois que cela ne signifiait
rien mais que sans doute je ne l’aimais pas. « Pourquoi m’épouser
alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n’avait
aucune importance et que, si elle le désirait, nous pouvions nous
marier. D’ailleurs c’était elle qui le demandait et
moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage
était une chose grave. J’ai répondu « Non ».
Elle s’est tue un moment et elle m’a regardé en silence.
Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j’aurais
accepté la même proposition venant d’une autre femme,
à qui je serais attaché de la même façon. J’ai
dit : « Naturellement ». »Elle s’est demandé
alors si elle m’aimait et moi je ne pouvais rien savoir sur ce point.
Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j’étais
bizarre, qu’elle m’aimait sans doute à cause de cela
mais que peut-être un jour je la dégoûterai pour les
mêmes raisons. Comme je me taisais, n’ayant rien à
ajouter, elle m’a pris le bras en souriant et elle a déclaré
qu’elle voulait se marier avec moi. Je lui ai répondu que
nous le ferions dès qu’elle le voudrait. Je lui ai parlé
alors de la proposition du patron et Marie m’a dit qu’elle
aimerait connaître Paris. Je lui appris que j’y avais vécu
dans un temps et elle m’a demandé comment c’était.
Je lui ai dit : « C’est sale. Il y a des pigeons et des cours
noires. Les gens ont la peau blanche.»
Puis nous avons marché et traversé la ville par ses grandes
rues. Les femmes étaient belles et j’ai demandé à
Marie si elle le remarquait. Elle m’a dit qu’elle me comprenait.
Pendant un moment, nous n’avons plus parlé. Je voulais cependant
qu’elle reste avec moi et je lui ai dit que nous pouvions dîner
ensemble chez Céleste. Elle en avait bien envie, mais elle avait
des choses à faire. Nous étions près de chez moi
et je lui ai dit au revoir. Elle m’a regardé : « Tu
ne veux pas savoir ce que j’ai à faire ? » Je voulais
bien le savoir et je n’y avais pas pensé et c’est ce
qu’elle avait l’air de me reprocher. Devant mon air empêtré,
elle a encore ri et elle a eu vers moi un mouvement de tout le corps avant
de me tendre sa bouche. »
Projection de séquences de « Pierrot le fou »
de Jean-Luc GODARD, par Jacques Mérienne
Lecture d’un poème de Borges à partir d’Ecclesiaste
I,9 par Charles Fournier
J.L.BORGES
L’Ecclésiaste
In Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade
ECCLESIASTE 1, 9
Si je pose la main sur mon front,
si je caresse le dos des livres,
si je reconnais le Livre des Nuits,
si je tourne la clef qui me résiste,
si je m’attarde sur le seuil incertain,
si l’incroyable douleur m’annule,
si je remémore la Machine du Temps,
si je me souviens du tapis de la licorne,
si je change de posture dans le sommeil,
si la mémoire me rend un vers,
je répète ce qui fut fait
tant de fois sur la route déjà prescrite.
Je ne puis accomplir un acte neuf,
je tisse et je retisse encore la même fable,
je répète un hendécasyllabe ressassé,
je dit ce que m’ont dit les autres,
je sens les mêmes choses à la même heure
du jour ou de la nuit abstraite.
Chaque nuit, le même cauchemar,
chaque nuit, la rigueur du labyrinthe.
Je suis l’exténuement d’un miroir immobile
ou la poussière d’un musée.
Je n’attends que le goût d’une chose neuve,
un don, un or de l’ombre,
cette vierge, la mort. (Le castillan permet la métaphore.)
Lecture d’un poème à partir de Qohelet 11,1
(F. Carrillo) par Marie-Odile Barbier-Bouvet
Francine CARILLO
Vers l’Inépuisable
Labor et Fides, Genève, 2002
« Lance ton pain sur la face des eaux !
Car dans la multitude des jours, tu le retrouveras . »
(Qohelet 11,1)
Comment choisir
ce qui fait mûrir
au lieu d’amoindrir ?
Comment trouver
en toutes choses
la sagesse du regard ?
Vivre est incertain,
comme une buée,
une brume du matin.
C’est pourtant
dans cette évanescence
que nous avons racine,
conviés à vivre
l’ordinaire
en pèlerins de lumière.
Chaque matin porte
l’appel d’exister au plus près
de notre humanité,
en risquant des gestes
qui ne se préoccupent
pas de leur réputation.
Et la vie redonne
au centuple
ce qu’on lui abandonne.
Serait-ce cela
qu’on appelle
la grâce ?
Chaque lecture était entrecoupée de quelques instants
de violoncelle (compositeur : Michel Hajdu)
Discussion en petits groupes
Mise en commun
Sans conclure, car comment conclure après Qohelet ???
Dans l’espérance de ces semaines d’avent, de Celui
qui vient !
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