Veilleurs de Paix
Pour une culture de
afin
de maîtriser ensemble nos peurs et nos violences
Combattre la violence collective par une réaction de
contre violence est un engrenage qui mène à des conflits de plus en plus
graves : le plus fort impose sa logique.
Trouver alors les
racines de la violence afin de pouvoir canaliser cette force destructrice et la
transformer en force créatrice
Trouver en nous ces
racines, apprendre à maîtriser notre
propre violence et partager cette expérience avec d’autres, c’est le message de Gandhi, de Martin Luther King.
N’est ce pas le message du Christ ?
C’est la démarche que
nous vous proposons en ce temps de Carême. Elle pourrait se traduire par une
participation de Saint Merri à la manifestation organisée par l’Unesco dans le
cadre de
1ère Réunion
COMMENT REFRENER NOTRE PROPRE VIOLENCE ?
« Si nous pouvons
observer la violence dans la société mais aussi en nous, alors peut être
pourrons nous aller au-delà »
Khrishnamurti.
Sommes nous capables
de repérer en nous la violence fondamentale ? Savons nous reconnaître la
violence négative : haine, fureur, jalousie, vengeance, envie, perversité,
sadisme ? Savons nous aussi reconnaître la violence positive, la pulsion
de vie qui nous anime : capacité d’affirmation de soi, de mouvement, d’action vers le monde de réalisation
créatrice ?
La violence n’est elle
pas aussi la traduction d’un élan vital ?
Comment gérer la
violence de destruction qui est en nous
pour la transformer en pulsion de vie ?
Texte 1 : LES
RACINES DE
Je refuse de réduire l’homme à sa nature et à son fonctionnement proprement biologiques, comme à un ensemble de déterminations imposées par un environnement socio économique. Dans le domaine qui doit être abordé ici, il n’y a ni déterminisme étroit d’ordre biologique ni déterminisme étroit d’ordre historico sociologique. Les violences font partie intégrante d’une société infiniment complexe, et il faut éviter de les aborder par l’une simplement des multiples facettes de cette réalité. S’agissant des violences humaines toute explication simple n’explique rien et toute solution simple ne résout rien.
Il est clair que les violences sévissent partout, dans tous les milieux sociaux. En ma qualité de biologiste et de médecin ma réflexion s’oriente moins vers la sociologie des phénomènes de violence que vers le sujet qui est l’agent de ces violences. Mais il s’agit bien évidemment d’appréhender ce sujet dans sa vie sociale dans ses relations et ses interactions avec les autres.
Quels sont alors les facteurs liés à la personnalité du sujet, à sa socialisation et à sa vie concrète dans un contexte socio culturel donné qui contribuent à augmenter ou à réduire la probabilité que face à une situation ou un évènement donné il utilise un comportement violent. Cette probabilité est très largement déterminée par les aspirations, les valeurs les croyances et les modèles qui sont le moteur de la relation du sujet au monde à l’autre et à lui-même.
Le développement inquiétant du nombre et de la gravité des « phénomènes de violence » est dû autant au développement des facteurs qui facilitent leur apparition qu’à l’affaiblissement des « facteurs de protection » ….à la double influence des incitations venant du monde extérieur et du travail que chacun fait sur lui-même dans l’espace moral intérieur qu’il s’est ou non constitué……
C’est par le débat intérieur que, face aux situations plus ou moins contraignantes auxquelles il sera toujours confronté, le sujet peut exercer sa faculté d’autodétermination, son autonomie, sa liberté. Personne n’est victime d’un destin inéluctable mais peut développer ses potentialités et valoriser ses atouts. C’est cela qui le rendra plus libre et plus responsable de lui même
Texte 2
« Détruire quelqu’un avec des mots, des regards… » LE HARCELEMENT
MORAL par Marie France Hirigoyen
Un mot peut tuer. Pour déstabiliser et détruire, les armes de la malveillance de la manipulation et de la persécution sont innombrables. La perversité ordinaire d’un conjoint, d’un parent, d’un supérieur peut briser un couple, défaire une vie, ruiner une carrière professionnelle. La loi du plus fort règne le plus souvent dans la famille, dans l’entreprise, la société. L’agresseur mène patiemment son œuvre paralysante et meurtrière. Sa victime se laisse peu à peu enfermer dans le piège prévu pour son supplice.
Comment comprendre, analyser,
vaincre le harcèlement psychologique ? Quelles solutions quelles parades y
opposer ?
Texte 3 L’HOMME VIOLENT C’EST TOI Samuel 2- 12
Yahvé envoya auprès de David, Natan. Celui-ci entra chez lui et lui dit :
« Il y avait deux hommes dans la même ville,
L’un riche et l’autre pauvre.
Le riche avait petit et gros bétail
En très grande abondance.
Le pauvre n’avait rien si ce n’est qu’une agnelle,
Une seule petite qu’il avait achetée.
Il la nourrissait et elle grandissait avec lui en même temps que ses enfants
Mangeant de sa pitance, buvant dans sa coupe,
Dormant dans son sein : elle était pour lui comme une fille.
Un homme se présenta chez l’homme riche
Qui n’eut pas le cœur de prendre sur son petit ou gros bétail
De quoi servir au voyageur arrivé chez lui.
Il prit l’agnelle de l’homme pauvre
Et l’apprêta pour l’homme arrivé chez lui »
David entra en grande colère contre cet homme et dit à Natan : « Par la vie de Yahvé, il mérite la mort l’homme qui a fait cela. Pour l’agnelle il donnera compensation au quadruple, pour avoir commis cette action et n’avoir pas eu de pitié »
Natan dit alors à David :
« Cet homme c’est toi »
Ainsi parle Yahvé Dieu d’Israël
Quel éclairage le message
du Christ donne-t-il sur ce processus de violence ? Quelle tranfiguration
peut-elle s’opérer ?
(Cf Paul Lettre aux Ephésiens
chapitre 2 Versets 11-22 et le commentaire qu’en fait Nicolas)
2ème Réunion
VIOLENCE COLLECTIVE
COMMENT PROMOUVOIR DES ACTIONS DE PAIX ?
Nous avons approché l’origine de la violence en chacun de nous. Tentons
maintenant de mieux comprendre la violence à l’œuvre dans la société.
Les valeurs démocratiques de nos sociétés occidentales préservent-elles
des dérapages ?
N’y a-t-il pas une violence larvée, parfois invisible à l’œuvre dans la
collectivité ?
Violence à l’école, violence dans les banlieues : entendons-nous
les messages que nous envoient ces manifestations ?
En quoi nous sentons-nous responsables ?
Mais après le constat cette deuxième séance se veut surtout
constructive : Comment promouvoir ensemble des cultures de paix ?
Texte 1 « AU
CŒUR DE L’HOMME ET DE
René Girard construit tout son raisonnement sur la notion de « mimétisme » propre à tous les êtres vivants, hommes et animaux. Mais alors que chez les animaux la régulation se fait par la soumission du faible au fort, chez l’homme la rivalité est sans fin ; elle se traduit par le désir de vengeance.
Pour réguler ce désir et pouvoir vivre en société il faut alors trouver un ennemi commun qui va polariser contre lui l’ensemble des désirs de vengeance et permettre ainsi pour les autres la réconciliation. C’est le « Bouc émissaire »
René Girard parle alors de la crucifixion en tant que phénomène de mimétisme violent : A preuve la réaction de Pierre.
« Dès que Pierre se trouve dans une foule hostile à Jésus dans la cour du grand prêtre il devient lui aussi hostile. Pourtant il est le meilleur des disciples. Personne n’est capable de résister au mimétisme meurtrier de la foule. »
A preuve la réaction de Pilate.
Jésus est donc un « bouc émissaire ». Le christianisme s’enracine donc dans le mythe du Bouc émissaire mais en même temps il le dévoile
« La différence essentielle de Jésus c’est que la passion vous présente la victime non pas comme coupable mais comme innocente : la victime est un bouc émissaire innocent »
Cela anéantit le mythe.
« La suppression du sacrifice et l’offre du Royaume de Dieu dans les Evangiles sont inséparables l’une de l’autre. Ce n’est pas une offre conditionnelle, optionnelle mais une nécessité urgente.
Le religieux est là pour nous protéger de la violence »
Texte 2 :
Ils arrivent à Jérusalem. Etant entré dans le Temple, il se mit à chasser les vendeurs et les acheteurs qui s’y trouvaient : il culbuta les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes, et il ne laissait personne transporter d’objet à travers le Temple. Et il les enseignait en leur disant :
« N’est il pas écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations. Mais
vous, vous en avez fait un repaire de
brigands »
Cela vint aux oreilles des grands prêtres et des scribes et ils cherchaient comment le faire périr ; car ils craignaient parce que tout le peuple était ravi de son enseignement. Le soir venu, il s’en allait hors de la ville.
Texte 3 MEMOIRE POUR
J’appelle les hommes et les femmes de bonne volonté, quelles que soient leurs origines et leurs croyances à mettre tout en œuvre pour que le dialogue et la compréhension mutuelle deviennent les maîtres-mots des relations entre les peuples et les cultures.
J’appelle mes frères de cœur juifs et mes frères de sang arabes à mettre momentanément de côté leurs contentieux, pour essayer ensemble de renouer une relation vraiment humaine. Il ne s’agit pas de trahir en quelque sorte la cause des siens, il ne s’agit pas non plus de faire semblant d’oublier tout ce qui nous sépare. Il s’agit, pour éclaircir enfin l’horizon, de mettre résolument à distance nos litiges, aussi graves soient ils, d’empêcher les urgences du moment de nous aveugler, d’arrêter le cycle infernal de la vengeance. Seule une telle expérience peut donner à la confiance une chance de renaître.
J’appelle mes frères arabes à prendre pleinement conscience d’un phénomène nouveau et essentiel la capacité de dialogue de leurs interlocuteurs est totalement paralysée, depuis notamment deux ans, par une grande vague de terreur historique qui remonte du plus profond de la mémoire juive. Le peuple qui semble aujourd’hui le plus fort est paradoxalement, de par son expérience séculaire, de plus en plus convaincu qu’il a à craindre pour son existence même. Et cette conviction, quoi que nous en pensions, est une réalité incontournable.
La non responsabilité des Arabes
dans l’évènement de
J’appelle mes frères arabes à se joindre à moi pour accomplir ensemble un geste fort, gratuit et résolument audacieux. Sur le lieu qui incarne l’atrocité du génocide, à Auschwitz-Birkenau, nous ferons acte de fraternité envers les millions de victimes, nous proclamerons notre solidarité avec leurs fils et leurs filles juifs, nous témoignerons de notre empathie pour cette souffrance indescriptible. Cet acte de mémoire signifiera notre refus radical d’une telle inhumanité, il témoignera de notre capacité à comprendre la blessure de l’autre.
J’appelle mes frères juifs à se
joindre à cette marche, qui sera précédée d’une démarche de rencontre et de
dialogue. Je les invite à partager avec leurs frères arabes leur expérience
personnelle et leur connaissance de
J’appelle mes frères juifs à comprendre que pour l’immense majorité du monde arabe et musulman, le conflit qui nous déchire n’est absolument pas d’ordre religieux, ni encore moins racial. Les Arabes ne sont pas les continuateurs de ceux qui voulurent jadis faire disparaître les Juifs en tant que Juifs. Héritiers comme eux de la foi d’Abraham, ils sont comme eux porteurs de valeurs lumineuses.
J’appelle mes frères juifs et mes frères arabes à tout faire, avant, pendant, et après cette démarche commune, pour lui donner son sens plein, celui d’un premier pas en vue de construire une confiance mutuelle, pour que naisse un dialogue authentique dégagé de toutes les suspicions accumulées au cours des dernières générations. Aucun d’entre nous n’ajoutera à ce geste symbolique des commentaires tendancieux qui en atténueraient le sens ou la portée. Ce détour par les abîmes les plus sombres de la mémoire de l’humanité ne peut relativiser en aucune façon les souffrances d’autres populations, en d’autres lieux et en d’autres temps. Il ne peut au contraire que nous renvoyer chacun à nos responsabilités du présent et à notre vocation d’êtres humains en marche vers un « vivre ensemble »
J’appelle tous les hommes et les
femmes de bonne volonté, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, qu’ils
appartiennent à d’autres religions ou à aucune, puisqu’il ne s’agit pas là d’un
rassemblement interreligieux, mais d’une démarche de personnes humaines en tant
que telles- à supporter de toutes leurs forces ce projet. Qu’il puisse
contribuer à nous guérir de tant de traumatisme, qu’il puisse nous ouvrir une
brèche vers un autre avenir et préparer l’aurore de la paix.
La dimension spirituelle peut être abordée
avec la parabole de la femme adultère (Jean.
8 1-12)
Que fait Jésus pour
entraîner les hommes au silence et à la réflexion, pour toucher en plein cœur
ces hommes de violence qui, la pierre à la main, se retirent un à un ?
Violence et paix
Nicolas Guérin
J’aimerais
prendre la question de la violence du côté de la sortie : première sortie
de soi, retournement en soi, nouvelle sortie de soi.
La
première sortie de soi est spontanée, affective, passionnelle. Elle est de
l’ordre de l’amour ou de la haine comme sentiments. Couleurs possibles et
opposées : elle est joviale ou
agressive, souriante ou boudeuse, ouverte ou fermée. Un peu comme l’enfant dont
les réactions spontanées sont ambivalentes et changeantes, et qui tantôt nous
émeut tantôt nous interroge, souvent sollicite notre accompagnement ou notre
intervention. Mais au fond, est ce que l’adulte n’agit pas aussi de façon
spontanée ?
Cependant
le chemin de la croissance humaine passe par le retournement en soi. Il y a
deux dimensions bien distinctes et à la fois très liées qui sont comme deux
aspects de la vie intérieure. La première est la prise en compte positive de
l’autre, de l’Autre, au-dedans de soi, et se fait dans les actes de réflexion,
méditation, contemplation. La deuxième est une traversée de deux difficultés
qui n’en sont peut être qu’une à double face : l’envie de tuer, la peur
d’être tué.
Peut
être la peur d’être tué est antérieure, voire originelle : si je suis
faible, a fortiori si je me reconnais fautif, pêcheur, je m’expose aux autres,
à leur jugement, à leur condamnation. Ils ne vont pas me rater, ils ne vont pas
me pardonner, c’est sûr, ils vont m’exécuter. Bien sûr, je crois que Dieu seul
est mon juge, lui seul me connaît car il m’aime. Pourtant le risque est là. La
prière de l’Eglise, le chant des psaumes témoigne et assume ce risque devant
Dieu. Après tout, c’est l’aventure de la vie, un jeu mortel somme toute.
L’envie
de tuer n’est pas moins grande. Parce que l’autre me menace parce qu’il me
fait peur. Il est trop différent et pourtant il a l’air d’être humain, je
n’assume pas cette contradiction extravagante. Ou alors il est trop proche,
et alors il veut sans doute prendre ma place, et donc ma mort. Mieux vaut
lui que moi. Je préfère l’achever avant qu’il soit trop tard, au moins le
réduire, en faire le maillon faible.
La
vigilance consiste à ce que ce retournement en soi n’aboutisse ni à un
retournement en rond pathologique ou morbide, ni à un meurtre. C’est
l’ouverture à la parole de l’autre, à l’action de l’Esprit, qui va déclencher
une nouvelle sortie de soi, pour la vie, une Pâque.
Jésus
est le Fils de l’homme. Il a sans doute connu
les sentiments d’amour et de
haine comme mouvements spontanés de l’affectivité./ Le
retournement en soi, il l’a vécu sous un seul aspect : l’accueil de la vie
du Père, l’acceptation de la rencontre des hommes, auxquels il est semblable en
tout excepté le péché. Jusqu’à assumer la haine de l’autre, des autres en
lui-même, par amour. Il a aimé jusqu’au bout. Jusqu’à la nouvelle sortie de
soi, la résurrection, don du Père à Jésus, en laquelle il est fait Christ et
Seigneur, et nous recevons l’Esprit.
C’est
l’objet de la contemplation de Paul dans
Il
n’annonce pas seulement la paix. Il est lui-même la paix et il fait l’unité de
tout ce qui est divisé, de tous ceux qui sont divisés, s’ils acceptent son
témoignage. Et l’ accepter c’est entrer dans la
construction d’une humanité nouvelle, c’est épouser le même mouvement de la
sortie nouvelle de soi qui transfigure toute agressivité, qui abolit toute
violence. C’est être artisan d’unité.
Chercher
la paix c’est accueillir le passage en nous-mêmes de la vie du Christ, c’est
faire confiance à l’Esprit du Christ qui agit dans le cœur des hommes pour
qu’ils préfèrent la paix à la violence et construisent ensemble par amour.